Coronavirus et dynamique fiscale au Cameroun: Quelles pistes pour une reprise sereine?

En Novembre 2020, le Nkafu Policy Institute a rendu public les résultats d’un rapport thématique sur le budget 2020 au Cameroun. L’objectif de ce rapport était d’analyser la résilience de la politique budgétaire camerounaise en se focalisant sur la viabilité de la dette de l’Etat et la promotion de la libre entreprise. Utilisant une approche démonstrative, les auteurs dudit rapport, Kakdeu et al. (2020)[1], ont collecté des données secondaires de différentes sources officielles et se sont servis des outils de l’analyse statistique (statistiques descriptives notamment) pour livrer des résultats riches en enseignements. L’objectif de cette note est de condenser les implications de cette étude en ce qui concerne la fiscalité au Cameroun. Pour ce faire, nous étudions la nature des revenus fiscaux en 2020 au Cameroun (paragraphe 1) et analysons l’évolution de ces revenus (paragraphe 2). Ceci nous permet de présenter, dans le paragraphe 3, des recommandations opérationnelles en matière de politiques économiques.

  1. La nature des revenus fiscaux au Cameroun

Le Cameroun tire ses revenus fiscaux de deux principales sources à savoir : les impôts directs et les impôts indirects. Sans être exhaustif, le tableau 1 ci-dessous donne un aperçu des composantes de ces sources.

Tableau 1 : Décomposition des sources de revenus fiscaux au Cameroun

Impôts directsImpôts indirects
Impôt sur le revenu des personnes physiquesTaxes sur les ventes
Impôt sur les sociétésTaxe sur la valeur ajoutée
Prélèvements sur les salaires et de la main d’œuvreTaxe sur le chiffre d’affaire
Impôts fonciersTaxe sur le commerce international
 Droits d’accises
Source : Réalisé par l’auteur (inspiré du rapport sur le budget 2020 au Cameroun).

En 2020, l’économie camerounaise a subi les contrecoups de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus. Les restrictions sévères sur les activités économiques, au plan international et continental, ont poussé les décideurs publics à revoir à la baisse, leurs prévisions de recettes fiscales. Ainsi, dans la Loi de finances rectificative du 03 Juin 2020, les recettes fiscales du Cameroun pour le compte de l’année 2020 s’établissaient à 2374,847 milliards de Francs CFA soit une baisse de l’ordre de 18,78% par rapport à l’exercice 2019.

2. Evolution des impôts au Cameroun en 2020

Malgré la survenance de la pandémie de coronavirus, il convient de noter que les impôts directs sont sur une tendance légèrement haussière au Cameroun depuis 2016. En effet, selon le rapport sur le budget 2020 au Cameroun, ils représentaient 16,73% du budget global en 2016 contre 16,80% en 2020 soit une différence de 0.07%.

De manière spécifique, dans ce rapport, on constate que l’impôt sur le revenu des personnes physiques est en légère hausse passant de 5,02% en 2018 à 6,22% en 2020. L’impôt sur les sociétés non pétrolières, quant à lui, connait une évolution en dents de scie. Il se situe à 7,44% du budget global en 2017 ; ensuite 6,90% en 2019 ; enfin 7,48% en 2020.

Les impôts indirects, pour leur part, semblent suivre cette tendance. En effet, l’analyse des lois de finances de la République du Cameroun entre 2017 et 2020 montre que la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d’affaires subissent une baisse de 4,06 points par rapport à l’exercice 2019 et ne représente plus désormais que 20.70% du budget global en 2020. De même, on observe une légère baisse des recettes issues des taxes sur les services déterminés et droits d’accises. Ces recettes représentent 7,62% du budget global en 2020 contre 6,86% en 2019 et 7,06% en 2017.

Globalement, la tendance haussière de la politique fiscale camerounaise au cours des années précédentes s’est estompée en 2020 avec la survenance de la pandémie de coronavirus. Le tableau 2 ci-dessous permet d’en avoir une illustration parfaite.    

Tableau 2 : Evolution des sources de revenus fiscaux au Cameroun

 2017201820192020
Impôts directs719,075723,3779,950740,980
Variation par rapport à l’année précédente – impôts directs 4,225 (0,59%)56,65 (7,83%)-38,97 (-4,99%)
Impôts indirects 1988,732144,051633,867
Variation par rapport à l’année précédente – impôts indirects  155.32 (7,81%)-510,183 (-23,79%)
Source : Calcul de l’auteur (inspiré des données du rapport sur le budget 2020 au Cameroun). Note : Chiffres exprimés en milliards de Francs CFA.

3. Recommandations de politique économique

Le rapport sur le budget 2020 au Cameroun a permis de constater que pris indépendamment, certains impôts indirects avaient une influence négligeable sur la croissance économique du pays. Il s’agit par exemple : des taxes sur les services déterminés, les impôts sur le droit d’exercer une activité professionnelle, les autres impôts et taxes sur les biens et services, les droits et taxes à l’exportation et autres impôts sur le commerce extérieur, les droits d’enregistrement et de timbre, et les autres impôts et taxes non classées ailleurs.

Au regard des répercussions négatives de la pandémie de coronavirus, les recommandations suivantes sont formulées pour la relance de l’économie camerounaise engagée dans la marche vers son émergence à l’horizon 2035 :

  1. Supprimer les charges fiscales ayant une influence négligeable sur la croissance économique afin d’encourager et de consolider le développement des initiatives privées dans le pays. Il s’agit particulièrement des taxes sur les services déterminés et les impôts sur le droit d’exercer une activité professionnelle.
  2. Réduire le train de vie de l’Etat en termes de dépenses de fonctionnement et améliorer le niveau des dépenses en capital ou d’investissement. 
  3. S’inspirer du modèle Rwandais et réduire le taux de l’impôt sur les sociétés non pétrolières dans l’optique d’encourager l’augmentation du niveau d’investissement des entreprises formelles. En effet, le Rwanda a réduit de 5% son taux d’imposition sur les sociétés entre 2006 et 2007, passant ainsi de 35% en 2006 contre 30% en 2007. La conséquence directe de cette réduction est le boom économique qui s’en est suivi au cours de la dernière décennie.

4. Conclusion

La dynamique de la politique fiscale camerounaise en 2020 a ralenti du fait d’un choc extérieur inédit et imprévisible : la pandémie de coronavirus. En effet, la mobilisation des recettes budgétaires s’est faite dans un contexte difficile du fait des restrictions sévères sur les activités économiques au moment où les entreprises et les ménages observaient les mesures barrières destinées à freiner la propagation du virus. Les estimations de la Commission Economique pour l’Afrique montrent que le Cameroun pourrait perdre 4.1% de sa croissance économique en 2020. De ce fait, dans l’optique d’amorcer de manière sereine une reprise en 2021, le Cameroun pourrait actionner directement trois leviers à savoir : la réduction du train de vie de l’Etat, l’amélioration des dépenses en capital ou d’investissement et le soutien sur le plan fiscal aux entreprises formelles.

Ulrich D’POLA KAMDEMEconomiste et Analyste Senior en Politiques Publiques


[1] Kakdeu, L.M., Kouam, J.C., Moudio, M.J., D’Pola, K.U., & Egoh, M.A., ‘‘Rapport sur le Budget 2020 au Cameroun’’, Rapport Thématique – Projet DBI, Nkafu Policy Institute, Denis & Lenora Foretia Foundation, November 2020.

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑