L’Accord de Libre-Échange Continental Africain Sera-t-il Profitable pour le Cameroun?

La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) a été officiellement lancée le 7 juillet 2019, lors du 12e sommet extraordinaire de l’Union africaine tenu du 4 au 8 juillet 2019 à Niamey, au Niger. Le 19 juillet 2019, les autorités camerounaises ont finalement ratifié l’accord sur la ZLECAf signé le 21 mars 2018 à Kigali, au Rwanda, avec 43 autres pays africains.

Pour une large majorité d’économistes et d’analystes, la ZLECAf présente de nombreux avantages. Premièrement,  elle réunira 1,3 milliards de personnes, créera un bloc économique de 3,4 trillions de dollars et inaugurera une nouvelle ère de développement sur le continent. Deuxièmement, elle permettra aux économies africaines de renforcer la coopération Sud-Sud, de conquérir de nouveaux marchés et de diversifier les sources d’approvisionnement. Troisièmement, selon la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA) les échanges intra-africains pourraient augmenter de plus de 50% et même doubler d’ici 10 ans après l’entrée en vigueur de la ZLECAf contre approximativement 15% actuellement.

Cependant, dans un monde de plus en plus globalisé, seuls les pays les plus compétitifs (c’est-à-dire les pays disposant de fondamentaux économiques et de cadres stratégiques forts ou bien ayant des sources de croissance diversifiées) ont des chances de se tailler des plus grosses parts de marchés dans les échanges commerciaux.

Considérée comme le moteur de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), l’économie camerounaise, est actuellement confrontée à des défis structurels majeurs. En effet, selon un rapport de 2018 du Nkafu Policy Institute, 79,1% des Camerounais estiment que la situation économique du pays est mauvaise ou très mauvaise. Le rapport note également que le niveau de pauvreté est alarmant puisque seuls 17,65% des adultes camerounais gagnent plus de 200.000 FCFA par mois (soit environ 400 dollars US).

En plus des statistiques ci-dessus, le paysage des petites et moyennes entreprises au Cameron est très jeune et fragile. Par exemple, en 2016, le Recensement Général des Entreprises (RGE Numéro 2) indique que 77,5 % des entreprises répertoriées avaient au plus six ans. Davantage, certains obstacles empêchent les entrepreneurs de s’établir et de développer pleinement leurs entreprises au Cameroun. Ces obstacles comprennent la fiscalité, l’accès au crédit et les formalités, pour n’en citer que quelques-uns.

Au cours d’un débat public, du Nkafu Policy Institute, dans la ville de Yaoundé, sur le thème : «  Le Cameroun Bénéficiera-t-il de l’Accord de Libre-Échange Continental Africain ? « , il a été demandé aux participants (environ 80 participants) de dire ce qu’ils en pensent. Ils devaient répondre par: OUI ou NON. Les résultats de ce sondage sont:

AVANT LE DEBAT
OUINON
64.3%35.8%
APRES LE DEBAT
OUINON
40,5%59,5%
Sondage auprès de 80 participants au cours d’un débat public …

Le résultat du débat a indiqué que le « NO Side » a pu d’une part convaincre les participants que la ZLECAf ne bénéficierait pas au gouvernement du Cameroun, et d’autre part dissuader les participants qui pensaient initialement que la ZLECAf serait bénéfique pour le Cameroun. Le pourcentage de variation c’est une augmentation de 23,7% pour le premier (NO Side) et une baisse de 23,7% pour le second (YES Side). Il faut rappeller qu’avant le débat, 50% des particpants ont affirmé qu’ils pouvaient changer leurs positions apres le débat.

Les résultats ci-dessus montrent simplement que les gens doutent encore des bienfaits du libre-échange au Cameroun. Toutefois, lorsqu’ils évaluent objectivement la situation économique actuelle du pays, ils se rendent compte qu’il sera difficile pour le Cameroun de bénéficier d’un tel mécanisme commercial.

L’urgence des réformes et de la transformation structurelle au Cameroun se fait ressentir! Pour que la ZLECAf soit un franc succès au Cameroun, il faudra y associer une véritable campagne d’éducation du grand public (ménages et entreprises notamment) sur ce mécanisme commercial et ses bienfaits pour l’économie locale.

Ulrich D’POLA KAMDEM, Economiste et Analyste en Politiques Publiques

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